La directive 2021/2101 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés devait être transposée par les Etats membres avant le 22 juin 2023. C’est chose faite, la France a transposé cette directive dans une ordonnance publiée au Journal Officiel du 22 juin 2023, date limite de transposition (ordonnance n°2023-483). Elle est complétée d’un décret d’application (n° 2023-493) et d’un arrêté (ECOT2316682A) publiés le 23 juin 2023 venant préciser certaines modalités pratiques d’application de la déclaration pays par pays (CbCR) publique.

L’ordonnance reprend la majeure partie des dispositions de la directive en apportant certaines précisions qui viennent compléter notre alerte fiscale précédente [ 370 kb ], à laquelle il convient de se référer. Nous présentons ci-dessous les principaux apports de cette transposition.

Entrée en vigueur :

Le CbCR public s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 22 juin 2024. Pour les sociétés ouvrant leur exercice au 1er janvier 2025, le premier rapport devra être déposé au plus tard le 31 décembre 2026.

Entreprises concernées :

Entreprise mère ultime d’un groupe/entreprise autonome1, établie dans l’Union Européenne (UE)2 dont le chiffre d’affaires (« CA ») consolidé/CA dépasse 750 millions d’euros à la date de clôture de leur bilan et pour chacun des deux derniers exercices financiers consécutifs.

Filiale de taille moyenne et grande taille3 établie dans l’UE contrôlée par une entreprise mère ultime qui ne relève pas du droit d’un Etat membre lorsque le CA consolidé dépasse le seuil susmentionné.

Succursale établie dans l’UE d’une entreprise contrôlée par une entreprise mère ultime4 ou d’une entreprise autonome ne relevant pas du droit d’un Etat membre lorsque le CA consolidé/CA dépasse le seuil susmentionné.

Filiales ou succursales non soumises aux conditions susmentionnées dès lors qu’elles n’ont d’autres fins que de contourner les obligations de déclaration.

Outre ces entreprises, l’ordonnance apporte des précisions s’agissant des succursales, des sociétés en nom collectif et des sociétés en commandite simple :

Pour les succursales, la réglementation française fixe le seuil de chiffre d’affaires de la succursale à 12 millions d’euros, alors que la directive fixait ce seuil à 8 millions d’euros.

Pour les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple, cette obligation déclarative s’applique seulement à celles dont tous les associés indéfiniment responsables sont des sociétés par actions, des sociétés à responsabilité limitée ou sociétés de droit étranger d’une forme juridique comparable.

Contenu attendu :

L’ordonnance reprend les grandes lignes du contenu édicté par la directive. Le contenu repris est le suivant :

  1. Le nom de l’entreprise, l’exercice concerné et la devise utilisée ;
  2. Une brève description de la nature des activités ;
  3. Le nombre de salariés employés en équivalent temps plein ;
  4. Le chiffre d’affaires ;
  5. Le montant du bénéfice ou des pertes avant impôt sur les bénéfices ;
  6. Le montant de l’impôt sur les bénéfices dû au cours de l’exercice ;
  7. Le montant de l’impôt sur les bénéfices acquitté sur la base des règlements effectifs ;
  8. Le montant des bénéfices non distribués.

L’ordonnance précise que le rapport doit faire mention de la liste des sociétés contrôlées comprises dans la consolidation qui sont établies dans un Etat membre de l’UE, un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (« EEE ») ou une juridiction fiscale figurant sur la liste noire ou grise européenne des Etats et territoires non coopératifs.

L’ordonnance et le décret ne reprennent pas toutes les précisions apportées par la directive notamment l’inclusion des transactions intragroupe dans le chiffre d’affaires, les éléments devant être exclus du montant de l’impôt sur les bénéfices dû ou encore ceux devant être ajoutés au montant de l’impôt sur les bénéfices acquitté (i.e., retenue à la source sur les paiements intragroupe).

Omission temporaire

L’ordonnance indique que les informations sensibles, dont la divulgation porterait gravement préjudice à la position commerciale des sociétés auxquelles se rapporte la déclaration, peuvent être omises.

Cette omission est temporaire en ce que les informations omises devront être publiées dans un rapport ultérieur au maximum 5 ans après cette omission. Le rapport doit également spécifier les motifs ayant conduit à cette omission.

En revanche, ni l’ordonnance, ni le décret ne précisent quel serait le sort des informations omises dans le cas où les sociétés concernées n’atteindraient plus les seuils et seraient, par conséquent, déchargées de cette obligation.

A noter que pour les sociétés situées dans des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales (Annexes I et II des conclusions du Conseil de l’Union Européenne sur la liste révisée de l’UE), aucune information ne pourra être omise.

Modalités déclaratives

Le décret apporte des précisions sur les modalités déclaratives. En effet, le rapport traduit en langue française et certifié conforme devra être déposé au greffe du tribunal de commerce.

Le rapport est ensuite mis gratuitement à la disposition du public pendant à minima cinq années consécutives sur le site internet de la société concernée.

Lorsque le rapport est publié sur le site internet d’un Etat tiers, il doit mentionner le nom et l’adresse de la succursale ou le nom et le siège de la société présente en France.

Lorsque la société consolidante et l’une des sociétés contrôlées ont des activités qui peuvent être soumises à un impôt sur les bénéfices dans une même juridiction fiscale ou lorsque la société consolidante contrôle, plusieurs sociétés comprises dans la consolidation ayant des activités qui peuvent être soumises à un impôt sur les bénéfices dans une même juridiction fiscale, les informations relatives aux activités de chacune des sociétés concernées, y compris par leurs succursales, sont agrégées pour cette juridiction.

Responsabilités, injonction et sanctions liées à cette déclaration

Les commissaires aux comptes devront désormais indiquer si la société est soumise à cette obligation déclarative et si tel est le cas, attester que le rapport a été publié et mis à disposition du public pour l’exercice précédant celui pour lequel les comptes sont certifiés.

Le conseil d’administration, le directoire, les gérants, le représentant légal de la société en France ou la personne ayant le pouvoir de l’y engager doivent veiller à ce que la société établisse, publie, et mette à disposition le rapport.

A ce titre, l’ordonnance introduit une injonction permettant à toute personne de demander au président du tribunal statuant en référé, d’enjoindre, le cas échéant sous astreinte, de publier ou mettre à disposition le rapport relatif à l’impôt sur les bénéfices.

Il convient de noter que ni l’ordonnance, ni le décret ne prévoient de sanction en cas de manquement à cette obligation déclarative alors même qu’il appartient à chaque Etat membre de les définir.

 

1. Entreprise autonome s’entend comme ne faisant pas partie d’un groupe (i e ensemble formé par l’entreprise mère et ses filiales)
2. Nécessité d’avoir une filiale/succursale dans une autre juridiction fiscale
3. Filiale de taille moyenne et grande taille lorsqu’elle dépasse au moins deux des trois critères, de chiffre d’affaires 8 millions d’euros), de total bilan 4 millions d’euros) et de nombre moyen de salariés 50
4. Uniquement lorsque l’entreprise mère n’a pas de filiale de taille moyenne ou de grande taille dans l’UE