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Plus de 12 ans après la dernière circulaire sur le sujet et à suite de la transposition cet été de la directive UE du 28 juin 2018 sur le détachement des travailleurs, la direction générale du travail (DGT) publie enfin une mise au point sur le droit applicable en matière de détachement.

Une clarification très attendue

Dans un contexte de recours croissant au travail détaché, qui a plus que doublé en 10 ans, les récentes évolutions du droit applicable ont pour objectif, aux dires d’Elisabeth Borne, de lutter contre « le dévoiement de la nature dérogatoire et temporaire de ce dispositif ».

L’instruction du 19 janvier 2021 abroge et remplace la Circulaire DGT du 5 octobre 2008 relative au détachement transnational en France dans le cadre de prestations de services. Elle est liée à la transposition de la Directive UE du 28 juin 2018, finalisée par la publication d’un décret le 29 juillet 2020, réformant en profondeur le régime du détachement des travailleurs en France.

L’instruction du 19 janvier 2021 se veut « exhaustive et actualisée », réalisée en dépit de la crise sanitaire, après avoir effectué « 36 660 interventions en 2019 et 2020 pour vérifier la bonne application de la réglementation ». La publication de cette instruction doit améliorer les contrôles de l’inspection du travail et permettre une meilleure connaissance par les acteurs de l’économie des règles de droit du travail applicables dans le cadre des détachements.

Elargissement du « noyau dur » pendant les 12 premiers mois de détachement

Pendant les 12 premiers mois du détachement, les employeurs doivent garantir l’égalité de traitement entre les salariés détachés en France et ceux employés par les entreprises de la même branche établies sur le territoire national. Le périmètre de cette égalité de traitement avait été renforcé par la Directive du 28 juin 2018, il comprend désormais 11 matières.

Détermination du salaire du salarié détaché

Les travailleurs détachés en France ne doivent plus seulement percevoir le salaire minimum et ses accessoires, mais dorénavant bénéficier des stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par l’entreprise d’accueil (ou par des entreprises de la même branche d’activité) en matière de rémunération.

L’instruction souligne que la rémunération du salarié détaché doit être au moins égale à la somme des éléments suivants :

  • Salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum (fixé par la convention collective nationale ou à défaut le minimum légal) ;
  • Assorti de tout autre avantage et accessoire payé, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de son emploi.

Pour déterminer quelle est la rémunération applicable au salarié détaché, il convient de comparer :

  • D’une part, la rémunération versée au salarié détaché au titre de la législation étrangère applicable au contrat de travail (A) ;
  • D’autre part, la rémunération due au titre du détachement en France (B).

Si B est supérieur à A, alors la différence doit être versée au salarié détaché sous forme d’allocation en complément de son salaire pour la période de travail effectuée en France.

Remboursement des frais professionnels

Les frais professionnels sont définis par l’instruction comme des charges de caractère spécial, inhérentes à la fonction du salarié, supportées par ce dernier dans l’Etat d’accueil.

Depuis le 30 juillet 2020, le remboursement des frais professionnels par l’employeur est obligatoire, mais uniquement si les conditions suivantes sont cumulativement remplies : 

  • La prise en charge des dépenses concernées est rendue obligatoire par des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles applicables au travailleur détaché ;
  • Ces frais concernent le transport, le repas ou l’hébergement ;
  • Le salarié détaché se trouve dans une des situations suivantes : il doit se déplacer vers, ou depuis, son lieu de travail habituel en France, il est temporairement envoyé par son employeur du lieu de travail habituel vers un autre lieu de travail, ou il se déplace d’un premier lieu de travail vers d’autres lieux en France, sans revenir sur ce premier lieu.

Règles applicables au-delà du 12ème mois de détachement : les détachements de longue durée

Le périmètre des droits dont jouit le salarié détaché s’élargit à compter du 13ème mois de détachement. Outre le « noyau dur », le salarié bénéficie de la quasi-intégralité des droits applicables aux salariés nationaux, à l’exception notamment des dispositions relatives au contrat de travail (conclusion, exécution, rupture, etc.). Les droits supplémentaires sont principalement suivants :

  • Électorat aux élections professionnelles de l’entreprise d’accueil (sauf le salarié d’une Entreprise de Travail Temporaire) ;
  • Congé d’adoption, d’éducation des enfants, et autres congés sous certaines conditions ;
  • Dispositions relatives au télétravail ;
  • Financement de la formation professionnelle.

De plus, les salariés détachés mis à disposition dans une entreprise d’accueil pendant 12 mois consécutifs sont pris en compte dans son effectif pour le calcul du seuil de 11 salariés obligeant à la mise en place d’un CSE.

Dérogation au statut de salarié détaché de plus de 12 mois

L’employeur qui le souhaite peut demander à bénéficier d’une prorogation du « noyau dur » au-delà du 12ème mois de détachement. Cette prorogation est encadrée :

  • Dans sa durée : elle ne peut excéder 6 mois ;
  • Dans son formalisme : une déclaration doit être effectuée sur le téléservice « SIPSI », en indiquant la durée souhaitée de dérogation et son motif (dans le cas du détachement pour compte propre, la déclaration peut être faite par tout moyen conférant date certaine) ;
  • Dans son calendrier : la déclaration doit être faite au plus tard la veille du 13ème mois.

Simplification des formalités préalables dans certains cas de détachement

L’instruction, dans un souci de clarté, rappelle qu’il n’est pas nécessaire de soumettre une déclaration préalable de détachement en cas de missions de courte durée en France, comme les voyages d’affaires, les réunions en cercles restreints, les formations internes …

A noter : la délivrance d’un certificat de détachement (A1) n’a d’effet qu’en matière de sécurité sociale et ne fait pas obstacle à une condamnation au titre du travail dissimulé.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a récemment jugé que la déclaration préalable à l’embauche (DPAE) aurait dû être effectuée, dans la mesure où la législation sur le détachement n’était pas applicable (Cass. crim. 12 janvier 2021, n°17-82553).

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