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Alerte fiscale

L’établissement stable TVA : une définition en pleine évolution

Place à la vigilance !

Problématique fiscale importante en cas d’installation ou d’expansion à l’international, la définition de l’établissement stable (« ES ») en TVA (qui se distingue de celle en IS) permet de localiser les services et de déterminer le redevable de la TVA.

Selon l’OCDE, la nouvelle organisation du travail (cf. le télétravail), conséquence de la crise sanitaire COVID-19, pourrait nécessiter une évolution de la définition de l’ES en IS.

Ces nouveaux critères IS auraient-ils un impact en TVA ?

Aujourd’hui, pour caractériser un établissement stable en TVA, il doit présenter un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique :

  • soit à rendre des services (ES prestataire) ;
  • soit à recevoir des services (ES preneur).

L’évolution de la jurisprudence sur l’établissement stable en TVA est une source d’insécurité juridique.

En effet, la question de savoir si la seule possession d’une filiale dans un Etat Membre constitue un établissement stable n’a jamais été tranchée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE »), sauf à l’occasion d’une situation factuelle très spécifique.

C’est ainsi que dans son arrêt DFDS du 20 février 1997, la CJUE a jugé qu’une filiale constituait un établissement stable TVA prestataire dès lors qu’elle :

  • présentait une consistance minimale quant aux moyens humains et techniques réunis de manière permanente et,
  • agissait en tant que simple auxiliaire, sans statut indépendant, de sa société mère (agence de voyages) qui détenait la totalité de son capital et lui imposait de nombreuses obligations contractuelles.

Plus récemment, dans son arrêt Dong Yang Electronics du 7 mai 2020, dans le cas de prestations de façonnage de cartes de circuits appartenant à une société coréenne laquelle disposait d’une filiale en Pologne, la CJUE a écarté la qualification de la filiale en établissement stable TVA preneur en Pologne considérant que, pour déterminer le lieu d’établissement du preneur des services rendus, le prestataire n’était pas tenu d’examiner les relations contractuelles entre la société mère coréenne et sa filiale polonaise mais :

  • la nature et l’utilisation du service rendu au preneur et, consécutivement ;
  • si le contrat, le bon de commande et le numéro de TVA communiqués par le preneur conduisent à analyser l’établissement local comme le preneur des services et ;
  • si l’établissement local paie le service.

Si tel n’est pas le cas, le prestataire peut considérer que les services sont fournis à la société mère étrangère.

Aussi, la présence dans un Etat Membre d’un établissement stable d’une société établie dans un Etat tiers ne peut pas être déduite par un prestataire du seul fait que cette société y possède une filiale et que ce prestataire n’est pas tenu de s’enquérir aux fins de cette appréciation des relations contractuelles entre les deux entités.

Rappelons que la prise en compte de la réalité économique et commerciale constitue un critère essentiel en TVA.

Cette décision de la CJUE rejoint la jurisprudence française du Conseil d’Etat, rappelée dans l’arrêt Société Bayer Cropscience du 9 octobre 2015, qui considère que le bénéficiaire effectif de la prestation (i.e. client réel qui va utiliser et bénéficier de la prestation) est le preneur et non le cocontractant (i.e. client direct qui a signé le contrat et à qui le service est facturé).

Cette notion d’établissement stable en TVA n’est pas figée. Il en va pour preuve qu’une question préjudicielle est actuellement pendante devant la CJUE dans l’affaire Titanium Ltd, C-931/19, afin de savoir si la seule location passive d’un immeuble situé sur le sol autrichien (i.e. sans moyens humains) caractérise un établissement stable TVA en Autriche.

Dans ce contexte évolutif, notre cabinet se tient à votre disposition pour toute analyse, française comme internationale, en matière d’établissement stable TVA en vue de sécuriser les règles de TVA que vous appliquez.

 

Auteurs : Elvire Tardivon-Lorizon, Avocat Associée, Amanda Quenette, Avocat et Cyril Cohen.