Le Black Friday, crash test pour les annonces de réduction de prix.
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Le Black Friday, crash test pour les annonces de réduction de prix.

Les annonces de réduction de prix doivent indiquer le prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l’application de la réduction de prix. Ce dispositif soulève de nombreuses questions s’agissant notamment de son application aux prestations de service, la Commission et les autorités françaises ayant sur ce point une interprétation divergente.

Entré en vigueur le 28 mai dernier [1] et issu de la Directive Omnibus [2], le dispositif prévu à l’article L.112-1-1 du code de la consommation relatif à l’annonce de réduction de prix va connaître son premier crash test lors du prochain Black Friday.

Les autorités de contrôle avaient laissé entendre qu’elles octroieraient une période de transition aux entreprises jusqu’au Black Friday (ce dernier étant exclu) durant laquelle elles privilégieraient les suites pédagogiques en cas de méconnaissance du nouveau dispositif ou de négligence dans son application.

Cette période transitoire n’est pas superflue pour les entreprises qui sont confrontées à un certain nombre de problématiques liées l’interprétation des dispositions en droit français et au timing de la transposition.

Sur le principe, le dispositif semble relativement simple : « Toute annonce d’une réduction de prix indique le prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l’application de la réduction de prix. Ce prix antérieur correspond au prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l’égard de tous les consommateurs au cours des trente derniers jours précédant l’application de la réduction de prix ».

Pourtant déjà, les professionnels s’interrogent : qu’est-ce qu’une annonce de réduction de prix ? Quels usecases sont en pratique concernés ? Uniquement les prix barrés ? Quid des autres modalités de communication sur des prix avantageux ? Que signifie en pratique « pratiquer un prix à l’égard de tous les consommateurs » en particulier lorsque certaines offres sont ciblées notamment par typologie de clients ou par canal de distribution ?

Remarque : s’ajoute à cela, la revue des process internes avec les équipes marketing et pricing pour être en mesure d’assurer le suivi des prix pratiqués à l’heure des logiciels de détermination automatique des prix et pour lesquelles une telle fonctionnalité n’est pas nécessairement prévue.

Le MEDEF s’est saisi de la question et a travaillé en concertation avec la DGCCRF pour répondre à certaines des interrogations des professionnels dans le cadre d’une FAQ et expliciter le principe et les exceptions au dispositif.

Si une telle démarche est bienvenue et très utile pour les professionnels, on peut regretter que cette FAQ se réfère aux Orientations de la Commission européenne concernant l’interprétation et l’application du dispositif issu de la Directive Omnibus, et à deux titres en particulier :

  • parce qu’elle reprend une terminologie propre au droit de l’Union qui n’est pas nécessairement usitée en tant que telle en droit français, telles que les notions de « ventes combinées » ou « vente conditionnelles » qui ne figurent pas au sein du code de la consommation ;
  • et, parce qu’elle ne reprend pas tous les éléments des orientations auxquelles elle se réfère, en particulier le champ d’application du dispositif.

En effet, si les Orientations sont claires sur le fait que le dispositif n’est pas applicable aux services (Point 1.1 des Orientations), la FAQ est, quant à elle, claire sur le fait que les services n’en sont pas exclus (Point 1 de la FAQ).

Bien qu’une telle position paraisse incongrue, elle est compréhensible du point de vue du droit français : l’article L.112-1-1 du code de la consommation figure au sein d’un chapitre général relatif à l’information sur les prix et conditions de vente applicable aux services et la lettre de l’article L.112-1-1 du code de la consommation n’exclut pas les services. Or, là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu à distinguer.

D’un point de vue pratique, ce dernier point est particulièrement épineux notamment pour les entreprises qui proposent des prestations de services à des consommateurs situés dans plusieurs pays de l’UE. Cela implique des développements particuliers pour la France et donc des investissements supplémentaires en des temps incertains pour une législation dont il n’est pas certain qu’elle soit conforme au droit de l’UE en l’état. En outre, la transposition n’a pas encore eu lieu dans tous les pays de l’UE de sorte que la France peut être une première pour un certain nombre d’entreprises multinationales européennes, voire, pour les entreprises de prestations de services, une exception exceptionnelle puisque le dispositif issu de la Directive Omnibus ne devrait pas leur être applicable en principe.

Ainsi, plus qu’une problématique purement financière et de mise en conformité pour les entreprises, les conséquences franco-françaises de la transposition de la directive Omnibus pourrait entraîner des répercussions sur l’application uniforme du dispositif au sein de l’UE et aboutir à brouiller la lisibilité des annonces de réductions de prix pour un consommateur moyen au sein de l’UE, objectifs pourtant poursuivis par le dispositif selon les Orientations de la Commission et plus généralement par le droit de l’UE. La transposition de ce dispositif appelle donc des chantiers de fond au sein des entreprises et qui peuvent dépasser les seules entités françaises.

Si la période transitoire a permis d’approcher le dispositif sereinement avec les équipes opérationnelles, cela n’aura été que de courte durée.

Le jour du lancement du Black Friday, toutes les annonces de réduction de prix devront indiquer un prix antérieur conforme à la législation, c’est-à-dire « le prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l'égard de tous les consommateurs au cours des trente derniers jours précédant l'application de la réduction de prix ». Plus d’excuses !

Êtes-vous prêts ?

 

[1] Article 10 de l’Ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 transposant la directive 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 et relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs

[2] Article 2 de la directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE, 2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs (dite Directive Omnibus) et modifiant la directive 98/6/CE en insérant un article 6bis.

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