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Alerte fiscale

Les mesures relatives à la prorogation des délais en matière fiscale

Afin de tenir compte de l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur l’activité administrative et juridictionnelle, le Gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures visant à adapter les délais de procédure mais également de dépôt des déclarations fiscales.

La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 n° 2020-290 entrée en vigueur le 24 mars dernier a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la gestion de la crise sanitaire.

Dans ce cadre, 25 ordonnances ont été présentées par le Gouvernement et adoptées le 25 mars, dont l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 qui prévoit des mesures de prorogation des délais et d’adaptation des procédures.

Par ailleurs, l’administration a récemment publié et mis en consultation ses commentaires (BOI-DJC-COVID19-10, BOI-DJC-COVID19-20 et BOI-DJC-COVID19-30).

Enfin, par un communiqué en date du 17 avril dernier, le Gouvernement a également aménagé les délais de dépôt de certaines déclarations et liasses fiscales

Mesures applicables aux dates de dépôt des déclarations fiscales

Report des dates de dépôt des liasses fiscales : les échéances de dépôt des liasses fiscales et autres déclarations assimilées du mois de mai sont prorogées jusqu’au 30 juin. Sont concernées par cette mesure :

  • les liasses fiscales des exercices clos en décembre 2019 mais également janvier et février 2020 ;
  • les formulaires de crédit d’impôts ;
  • le relevé de solde d’IS 2019 (imprimé n°2572) ;
  • l’option pour le régime d’intégration fiscal ;
  • la déclaration définitive de la CVAE lorsque l’entreprise est débitrice vis-à-vis de l’Etat ;
  • la déclaration des honoraires (DAS2) lorsque cette dernière n’a pas été déposée via la DSN.

Par ailleurs, les entreprises qui connaissent des difficultés auront la possibilité de demander le report, jusqu’au 30 juin 2020, des échéances fiscales du mois de mai (i.e. solde de l’IS et solde de CVAE) sous réserve pour les grandes entreprises de ne pas verser de dividendes en 2020 ou ne pas procéder à des rachats d’actions (voir « Autres mesures » ci-après).

Prorogation générale des délais de recours

L’article 1er de l’ordonnance 2020-306 pose un principe général de prorogation des délais qui s’applique aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et la fin du délai d’un mois suivant la fin de l’état d’urgence, fixée actuellement au 24 mai 2020.

Cette période est qualifiée de période juridiquement protégée : tout acte, tel que visé par l’ordonnance, qui aurait dû être accompli pendant cette période est réputé avoir été réalisé à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

L’ordonnance vise « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement».

Sont également concernés par ces mesures les paiements prescrits par la loi ou le règlement.

En pratique, cette définition large concerne notamment en matière fiscale :

  • les requêtes devant les juridictions ;
  • en matière de recouvrement, les réclamations ;
  • les formalités d’enregistrement ainsi que le paiement des droits d’enregistrement ;
  • les décisions administratives d’agrément ;
  • les décisions de rescrit, etc.

Prorogation en matière de contrôle fiscal

Malgré l’annonce du Gouvernement d’une interruption des contrôles fiscaux pendant la période de crise sanitaire, des mesures spécifiques applicables aux délais prévus en matière de contrôle fiscal ont néanmoins été prévues.

Ainsi, il est expressément indiqué que les délais imposés à l’administration pour exercer son droit de reprise sont suspendus pour une durée égale à la période juridiquement protégée.

Sont notamment concernés par cette mesure les délais en cours à la date du 12 mars 2020 (ou qui auraient dû commencer au cours de la période juridiquement protégée) et qui auraient dû expirer au 31 décembre 2020.

L’Administration précise à cet égard que cette suspension s’applique aussi bien aux rectifications qu’aux intérêts de retard, majorations et amendes.

Par conséquent, sont visés par cette suspension l’ensemble des délais accordés à l’Administration et aux contribuables en matière de contrôle fiscal et notamment :

  • les délais de demande de renseignement ou de justifications ;
  • les délais de mise en demeure ;
  • les délais relatifs à la durée du contrôle ;
  • les délais applicables aux propositions de rectification (délai de réponse du contribuable, délai de saisine des commissions, etc.).

Il convient de préciser, s’agissant des rescrits fiscaux, que les délais en la matière sont également suspendus pendant la période juridiquement protégée tant pour le contribuable que pour l’Administration.

L’Administration précise à ce titre, qu’aucun rescrit ne pourra intervenir tacitement pendant la période juridiquement protégée.

Mesures applicables aux délais et procédures juridictionnelles

Prorogation des délais de recours et de jugement : la prorogation générale des délais est applicable aux procédures juridictionnelles. Par conséquent, les délais qui arrivent à échéance pendant la période juridiquement protégée sont interrompus et courent de nouveau, pour leur durée initiale, à compter de la fin de cette période, dans la limite de deux mois.

Ainsi, à titre d’exemple, un contribuable souhaitant exercer un recours administratif dont le délai de 2 mois arrive à échéance entre le 12 mars et le 24 juin, pourra bénéficier de la prorogation de ce délai jusqu’au 24 août 2020.

Autres mesures

Engagement de responsabilité pour les grandes entreprises : Pour rappel, par communiqué en date du 27 mars dernier, le Ministre de l’Economie et des Finances a indiqué que les grandes entreprises qui demandent des reports d’échéances fiscales et sociales (ou un prêt garanti par l’Etat) doivent s’engager à ne pas verser de dividendes en 2020 ou à ne pas procéder à des rachats d’actions au cours de l’année 2020.

Cette mesure vise expressément « les grandes entreprises » c’est-à-dire toute entreprise indépendante qui, lors du dernier exercice clos :

  • emploie au moins 5 000 salariés, ou
  • a un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 1,5 milliard d’euros en France.

Ces critères sont alternatifs.

En présence d’un groupe, l’engagement demandé s’étend à l’ensemble des entités et filiales françaises et ce, même si seules certaines d’entre elles bénéficient des mesures de report de charges fiscales ou sociales ou d’un prêt garanti par l’Etat.

Pour l’application de cette mesure, la notion de groupe fait référence à celle utilisée pour la CVAE ou pour l’intégration fiscale (article 223 A du CGI): les seuils déclenchant l’application des restrictions devraient être appréciés au niveau des sociétés françaises qui remplissent les conditions pour être membres de l’intégration fiscale.

Les entreprises concernées doivent formaliser cet engagement en cochant la case prévue à cet effet sur le formulaire de demande de report d’échéances de paiement.

En cas de non-respect de cet engagement, les échéances fiscales ou sociales reportées devront être remboursées avec application des pénalités de droit commun (i.e. majoration initiale de 5% + 0,2% d’intérêt par mois de retard). Ces majorations seront décomptées à partir de la date d’exigibilité normale des échéances reportées.

Notre équipe se tient à votre disposition pour vous assister et vous conseiller dans ce contexte exceptionnel. Nous ne manquerons pas de vous tenir informé de toute évolution.

Auteur : Stéphany Brévost, Avocat.