La lettre de décideurs n°28

La copie privée frappe les produits reconditionnés

By:
Amanda Quenette
La copie privée frappe les produits reconditionnés
Culture vs Environnement
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La rémunération pour copie privée étendue aux portables reconditionnés vient pénaliser le secteur du reconditionné en plein essor de même que cette taxation des reconditionneurs français et étrangers entache la compétitivité de la France. La rémunération pour copie privée (« RCP ») est une « exception » ayant pour objet de compenser les droits de propriété intellectuelle des auteurs en permettant de copier des films, de la musique, des images et des livres.

Une redistribution injustifiée au nom d’une « exception » culturelle

En effet, les fabricants et « importateurs » de dispositifs de stockage doivent verser une redevance à une société de collecte privée, Copie France, qui la redistribue aux organismes de gestion collective représentant les artistes.

En d’autres termes, les sommes ne passent pas par les caisses de l’Etat. Il s’agit d’un système parallèle permettant de financer la culture au détriment des fabricants et « importateurs » et, au final, des consommateurs.

Un système de taxation suranné

Le système de RCP n’est pas plus en adéquation avec les évolutions technologiques et ce, depuis plusieurs années.

En effet, interrogeons-nous sur la pertinence d’appliquer une redevance aux dispositifs de stockage physiques lorsqu’aujourd’hui les films et la musique ne sont le plus souvent plus enregistrés sur de tels dispositifs mais dématérialisés et visionnés via des sites de
streaming / en ligne.

Des impacts collatéraux sur le secteur du réemploi et de la réutilisation

La copie privée a récemment été étendue aux tablettes et téléphones portables reconditionnées par :

  • Une décision du 1er juin 2021 rendue par la Commission de la RCP et,
  • La loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.

Si l’objectif de soutien de la Culture est louable, les moyens financiers retenus ne paraissent pas adaptés au contexte économique et environnemental actuel.

A l’heure où la production des déchets électroniques ne cesse d’augmenter (+21 % d’après l’ONU en seulement cinq ans), l’économie circulaire, solidaire et le développement durable explosent.

L’impact environnemental des entreprises et des particuliers est au cœur des débats et le secteur du reconditionné a le vent en poupe (20 % de croissance).

  • Plus de 2,6 millions de téléphones reconditionnés sont vendus annuellement en France (soit 14 % du nombre total de téléphones vendus),
  • 44 % des français ont acheté un produit reconditionné en 2021, dont 55 % des 18-34 ans.

Ce secteur est composé d’entreprises de l’économie sociale et solidaire (par exemple les Ateliers du Bocage du mouvement Emmaüs qui emploient des travailleurs en réinsertion), des petites et moyennes entreprises locales et des start-up pépites de la French Tech comme Back Market.

Dans ce contexte, l’assujettissement des produits reconditionnés à la RCP est en totale contradiction avec les objectifs de lutte contre le gaspillage.

Mais aussi des impacts collatéraux sur la compétitivité de la France

La RCP sur des dispositifs de stockage reconditionnés représente un coût supplémentaire supporté au final par les consommateurs et impacte la compétitivité des entreprises du secteur.

Depuis 2018, des acteurs français du reconditionnement et plus récemment des vendeurs étrangers identifiés sur le site BackMarket.com ont reçu de la part de Copie France des demandes d’informations, voire des assignations devant les tribunaux français.

Ces procédures donnent une mauvaise image de la France à l’étranger et mettent en exergue les objectifs antagonistes entre Culture et Environnement.

Si la Culture semble l’avoir emporté sur l’Environnement, reste à démontrer que les moyens mis en œuvre permettront d’atteindre les objectifs fixés.