article banner
Alerte juridique

Loi d’urgence : analyse des ordonnances concernant les assemblées générales

Le gouvernement a adopté, le 25 mars 2020, 25 ordonnances en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Deux d’entre-elles viennent assouplir les règles de réunions et de délibérations des assemblées générales et des organes collégiaux de direction, ainsi que les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et documents que les sociétés sont tenues de déposer ou publier. Focus sur ces principales mesures.

Assouplissement des règles de participation et de délibérations des assemblées et organes dirigeants (Ordonnance n° 2020-321)

  • L’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 (publiée au JO du 26 mars 2020) simplifie et adapte les conditions dans lesquelles les assemblées générales et organes dirigeants se réunissent et délibèrent.

Concernant les règles de convocation et d’information des assemblées

  • Il est prévu que la communication de documents ou informations dans le cadre du droit de communication dont disposent les actionnaires avant la tenue de l’assemblée peut valablement être effectuée par message électronique, sous réserve que l’actionnaire indique dans sa demande de communication l’adresse électronique à laquelle elle peut être faite.
  • Pour les assemblées générales des sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé, si la convocation des actionnaires devait être faite par voie postale et qu’elle n’a pu l’être en raison de circonstances extérieures à la société, l’assemblée qui s’est tenue malgré cela n’encourt pas la nullité.

Concernant les règles de participation et de délibérations des assemblées

  • Les assemblées générales peuvent désormais se tenir à « huis clos » sans la présence physique de leurs actionnaires, ni des autres membres ayant le droit d’y participer comme les commissaires aux comptes ou les représentants d’instances représentatives du personnel.

  • Pour faciliter la participation des actionnaires aux assemblées à « huis clos », l’ordonnance assouplit, à titre exceptionnel, le recours à la visioconférence et aux autres moyens de télécommunications, que ce mode soit prévu ou non ou encore exclu par la loi ou par les statuts et ce, pour toute décision relevant de la compétence de l’assemblée y compris l’approbation des comptes, sous réserve toutefois que les moyens de visioconférence ou de télécommunication respectent les caractéristiques fixées par la loi pour garantir l’intégrité et la qualité des débats. La possibilité de recourir à cette faculté appartient à l’organe compétent pour la convocation de l’assemblée ou à son délégataire.

  • Il appartiendra aux sociétés d’en informer leurs actionnaires et de leur fournir toute la documentation. Les actionnaires pourront voter, poser des questions écrites ou proposer l’inscription de points à l’ordre du jour, mais ne pourront pas poser de questions orales ou modifier les projets de résolutions en séance, puisque l’exercice de ces droits suppose d’assister à la séance, précise l’ordonnance.

  • Néanmoins ce dispositif ne trouvera à s’appliquer que si l’assemblée a été convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation par des mesures administratives limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour motifs sanitaires.

  • Pour le calcul du quorum et de la majorité, peuvent désormais être réputés présents les associés qui participent à la réunion par visioconférence ou par un autre moyen de télécommunication. Les autres personnes ayant le droit d’assister aux assemblées (telles que les commissaires aux comptes) peuvent y participer par les mêmes moyens. Les moyens utilisés doivent retransmettre au moins la voix des participants et permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations.

  • L’ordonnance facilite aussi le recours à la consultation écrite des actionnaires, en la rendant possible sans qu’une clause des statuts n’ait à le prévoir expressément ou ne puisse s’y opposer. Cette mesure concerne l’ensemble des décisions relevant de la compétence de l’assemblée, y compris l’approbation des comptes.

  • Enfin, l’ordonnance a prévu des dispositions transitoires pour les assemblées qui auraient déjà été convoquées. Lorsque les formalités de convocation d’une assemblée ont été accomplies avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, et si l’organe compétent pour convoquer l’assemblée souhaite la réunir à distance, il lui suffira alors d’en informer les actionnaires par tous moyens permettant d’assurer leur information effective 3 jours ouvrés au moins avant la date de l’assemblée, sans avoir à recommencer les formalités de convocation déjà accomplies et sans que cette décision ne constitue une irrégularité de convocation. Les formalités entamées à la date de cette décision devront toutefois être terminées. Pour les sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé, l’information devra se faire par voie de communiqué dont la diffusion effective et intégrale sera assurée par la société, sans préjudice des formalités qui restent à accomplir à la date de cette décision.

Concernant les règles de participation et délibérations des organes dirigeants collégiaux

  • Sont désormais réputés présents les membres du conseil d’administration, du directoire et du conseil de surveillance qui assistent à la réunion par visioconférence ou par un autre moyen de télécommunication.

  • Les décisions des organes dirigeants collégiaux peuvent valablement être prises par voie de consultation écrite des membres dans des conditions assurant la collégialité de la délibération (notamment concernant les délais).

Les règles précitées sont applicables, quel que soit l’objet de la décision et indépendamment de ce que prévoient les statuts : une clause statutaire n’est pas nécessaire pour leur application et aucune disposition statutaire ne pourra s’y opposer.

Champ d’application

Le champ d’application de cette ordonnance est vaste et concerne toutes les entités de droit privé avec ou sans personnalité morale : les sociétés civiles et commerciales, les masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers, les GIE, les mutuelles, les fonds de dotation et de pérennité, les associations ou encore les fondations. Les dispositions de l’ordonnance trouvent à s’appliquer à l’ensemble des assemblées (assemblées générales des associés, des sociétaires…) et aux réunions des organes collégiaux d’administration ou de surveillance de ces entités.

Entrée en vigueur rétroactive

Le gouvernement a expressément indiqué le caractère exceptionnel et temporaire des mesures prises dans cette ordonnance, qui s’appliquent rétroactivement à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020, cette dernière date pouvant faire l’objet d’une prorogation par décret ne pouvant excéder la date du 30 novembre 2020.

Assouplissement du processus d’approbation des comptes (Ordonnance n° 2020-318)

Une seconde ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 (publiée au JO du 26 mars 2020) assouplit quant à elle, les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue et l’approbation et la publication des comptes.

Selon cette ordonnance, le délai d’approbation des comptes par l’assemblée générale, fixé à 6 mois par le Code de commerce, est prorogé de 3 mois. Cette mesure concerne les comptes qui n’ont pas pu être approuvés avant le 12 mars 2020 et les sociétés pour lesquelles le commissaire aux comptes n’a pas remis son rapport sur les comptes avant cette même date. Elle s’applique aux entités dont l’exercice s’est clôturé entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Dans les sociétés anonymes avec un directoire et un conseil de surveillance, le délai donné au directoire pour présenter au conseil de surveillance, aux fins de vérification et de contrôle, les comptes annuels et les comptes consolidés, le cas échéant, fixé à 3 mois à compter de la clôture de l’exercice par le Code de commerce, est prorogé de 3 mois par l’ordonnance.

Pour les sociétés placées en liquidation judiciaire, l’ordonnance vient également proroger de 3 mois le délai d’établissement des comptes et documents joints devant être établis par le liquidateur au vu de l’inventaire qu’il doit avoir dressé des différents éléments d’actif et de passif.

Pour les sociétés comptant 300 salariés ou plus, ou dont le montant du chiffre d’affaires est au moins égal à 18 millions d’euros, tenues d’établir une situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement et un plan de financement prévisionnel, l’ordonnance vient proroger de 2 mois les délais imposés par le Code de commerce aux organes chargés d’établir cette documentation prévisionnelle. Cette prorogation ne concerne que les sociétés clôturant leurs comptes entre le 30 novembre 2019 et un délai d’un mois à compter de l’expiration de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans la loi du 23 mars 2020.

Concernant enfin les organismes de droit privé bénéficiaire d’une subvention publique et tenus légalement de produire un compte-rendu financier, l’ordonnance vient proroger de 3 mois le délai imposé à ces organismes par les textes pour produire cette documentation. Toutefois, cette prorogation ne concerne que les comptes-rendus financiers relatifs aux comptes clôturés entre le 30 septembre 2019 et un délai d’un mois à compter de l’expiration de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans la loi du 23 mars 2020.

Auteur : Marc Huynh, Avocat Senior ManagerCoporate/Fusions & Acquisitions