Alerte sociale

Projet d’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur

By:
Charlotte Mabil
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Le vendredi 10 février dernier, après 11 séances de négociation, les syndicats salariés et employeurs sont finalement parvenus à un projet d’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise. Ce projet d’accord est ouvert à la signature jusqu’au mercredi 22 février 2023.

Dans le contexte inflationniste et de crise énergétique que l’on connaît, les revendications des salariés et des organisations syndicales sont très fortes. La loi de finances rectificative pour 2022 et la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, adoptées le 16 août 2022, visaient à répondre aux attentes liées à l’augmentation du pouvoir d’achat des français. Parmi les dispositifs phares de ces deux lois, on comptait notamment la pérennisation de la prime partage de la valeur (PPV), le déblocage anticipé de l’épargne salariale ou encore le déploiement de l’intéressement.

Dans la même perspective, l’accord national interprofessionnel (ANI) entend rendre plus accessible les dispositifs d’intéressement, de participation et d’actionnariat salarié en vue de favoriser le partage de la valeur au sein des entreprises.

Si certaines dispositions doivent attendre leur transcription législative et réglementaire, deux propositions ont vocation à s’appliquer directement aux entreprises sous réserve d’un arrêté d’extension, à savoir l’extension de la participation ou de l’intéressement aux entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 50 salariés, ainsi que l’obligation d’intégrer dans la négociation collective un volet concernant les résultats exceptionnels (cf. Infra).

L’accord sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise vise notamment à permettre des avancées attendues pour les salariés des petites et moyennes entreprises.

A compter du 1er janvier 2025, les entreprises de 11 à 49 salariés qui auraient réalisé un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1% sur les années 2022, 2023 et 2024 auraient l’obligation de mettre en place un dispositif légal de partage de la valeur (participation, d’intéressement ou encore d’un abondement du PEE, PEI ou du PER).

En outre, avant le 30 juin 2024, chaque branche professionnelle devrait ouvrir une négociation pour mettre un dispositif de participation facultatif à disposition des entreprises de moins de 50 salariés, dont le calcul pourrait être moins avantageux que le légal.

Par ailleurs, en vue d’encourager la mise en place de l’actionnariat salarié dans les entreprises de toute taille, les partenaires sociaux sollicitent la mise en œuvre d’un « Plan de partage de la valorisation de l'entreprise » par accord collectif.

Dans ce cadre, les salariés ayant au moins un an d’ancienneté bénéficieraient d’une prime qui pourrait être versée dans les dispositifs d’épargne salariale précités.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés qui disposent d’un délégué syndical, les accords de participation et d’intéressement devraient prendre en compte les résultats présentant un caractère exceptionnel (réalisés en France).

Dès lors, la réalisation de ces résultats donnerait lieu soit au versement d’un supplément de participation ou d’intéressement soit à une discussion sur le versement d’un dispositif de partage de la valeur.

Il convient de préciser qu’au moment de l’entrée en vigueur de l’ANI, les entreprises qui disposent d’un accord de participation ou d’intéressement devraient entamer une négociation et ce, avant le 30 juin 2024.

En revanche, cette obligation ne concernerait pas les entreprises dotées d’un accord de participation dont la formule de calcul est plus avantageuse que celle prévue par la loi.

Par ailleurs, à l’heure actuelle, la mise en place de la participation ne s’impose qu’aux entreprises dont l’effectif est d’au moins 50 salariés. Si l’ANI entend maintenir l’atteinte de ce seuil sur 5 années consécutives, les conditions de franchissement seraient néanmoins assouplies. En effet, il est envisagé de supprimer la règle selon laquelle l'obligation de mise en œuvre de la participation est reportée de 3 ans si l’entreprise dispose déjà d’un accord d'intéressement.

En outre, certes la prime partage de la valeur contribue à améliorer le pouvoir d’achat des salariés mais elle peut aussi freiner l’essor recherché des outils d’épargne salariale. C’est la raison pour laquelle le projet d’accord propose, d’une part, la possibilité de la placer dans un plan d’épargne entreprise et/ou d’épargne retraite. D’autre part, une limitation d’au maximum deux PPV chaque année a été annoncée.

Le déploiement de l’intéressement et le déblocage anticipé de l’épargne salariale figuraient également parmi les dispositions significatives de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, publiées au Journal officiel le 17 août 2022.

Dans le même esprit, l’ANI met en œuvre de nouveaux cas de déblocage de l’épargne en cas de rénovation énergétique de la résidence principale, d’acquisition d’un véhicule « propre » ou encore de dépenses en tant que proche aidant.

L’accord envisage également la possibilité de prévoir des avances dans le versement de la participation.

Afin de favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les branches seraient invitées à entamer « des travaux sur la mixité de leurs métiers pour favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes».

Enfin, concernant la RSE, « les entreprises sont encouragées à faire apparaître au moins un critère non financier dans les accords d'intéressement ».

En tout état de cause,   l’accord sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise tient à rappeler au nom de ses principes structurants, l’absence de substitution entre salaires et dispositifs existants (intéressement, participation, PPV).

Pour conclure, le projet de dividende salarié, prôné par le Gouvernement et dont les contours demeurent flous, n’a pas été suivi par les partenaires sociaux. Il convient en définitive de saluer cet ANI, fruit de longs échanges parfois difficiles mais vertueux. Cet accord prouve de nouveau que les syndicats salariés et employeurs peuvent aboutir à un accord sur des sujets à forts enjeux sociaux tels que l’actionnariat salarié et demeurent les plus à même d’œuvrer dans le meilleur intérêt des salariés et des entreprises.

Grant Thornton Société d’Avocats reste à votre disposition afin de vous accompagner dans la mise en œuvre de ces nouveaux dispositifs dans le cadre de votre politique RH.